IDM 15 juin 2012
Quand les femmes sont aux commandes
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Le 15 juin dernier, à travers la conférence portant sur le thème : «Entrepreneuriat féminin, quand les femmes sont aux commandes », l’African Business Club a décidé de célébrer le dynamisme et l’esprit d’initiative des femmes.
Le panel d’intervenants a réuni :
- Fatou Sarr, Fondatrice et Président Directeur Général de True Colors, marque de produits cosmétiques
- Reine Essobmadje, Fondatrice et Président Directeur Géneral d’Evolving Consulting
- Steve Amara, Fondateur et Managing Directeur de « Mwananke Africa », fonds d’investissement dédié au financement d’initiatives féminines dans le domaine agricole
A partir de leurs expériences dans la concrétisation et la pérennisation de leur projet, les intervenants ont proposé une grille d’analyse permettant d’appréhender la « démarche entrepreneuriale au féminin ».
La meilleure façon de rêver l’avenir, c’est de le créer
Les intervenants érigent la motivation au rang de première force motrice dans leur projet. La fibre entrepreneuriale, la créativité et l’envie de déterminer les contours de son futur figurent également parmi les qualités présentes dans le « kit de survie de l’entrepreneur » au féminin comme au masculin. « J’ai créé une entreprise dans laquelle j’aurais eu envie de travailler » confie Reine Essobmadje, alors que Fatou Sarr considère, quant à elle, «l’entrepreneuriat comme un aboutissement de carrière et une source d’épanouissement».
Nous l’aurons compris, les intervenantes sont des femmes ambitieuses et déterminées.
« Les femmes représentent 66% de la population mondiale, elles sont à l’origine de 50% de la production alimentaire mais ne possèdent qu’1% des terres et ne bénéficient que de 11% des revenus générés par cette activité. Les femmes constituent un levier évident de développement en Afrique », c’est ainsi que Steve Amara débute son propos. C’est cette conviction qui l’a poussé à lancer « Mwananke Africa », fonds qui finance des initiatives entrepreneuriales menées par des femmes dans le domaine agricole. « L’entrepreneuriat apparait comme une évidence, un cheminement logique pour les femmes africaines, constat d’autant plus vrai dans les zones rurales » ajoute-t-il.
De l’importance des « role models »
Fatou Sarr et Reine Essobmadje s’accordent sur l’impact positif des « role models » (figures de référence) dans la démarche entrepreneuriale. « C’est important mais pas nécessaire » précisent-elles. D’autres éléments tels que la constitution d’un réseau solide et la volonté d’autonomie contribuent à l’éclosion de la fibre entrepreneuriale. Lorsqu’il recentre son propos sur le contexte africain, Steve Amara souligne un enjeu majeur : faire comprendre le poids des femmes dans l’amorçage d’un développement économique durable sur le continent.
« Les femmes ne doivent pas se fixer de barrières » concluent les intervenants.
Peut-on parler « d’obstacles au féminin » ?
« On constate une faible évolution de la part des femmes parmi les créateurs d’entreprises » indique Reine Essobmadje. Des difficultés de deux ordres expliquent ce constat : le manque de crédibilité dont pâtissent parfois les femmes et les difficultés intrinsèques à tout projet entrepreneurial (difficultés d’ordre administratif, juridique ou financier). Dans le contexte africain souligne-t-elle, il convient d’ajouter le manque de structures d’accompagnement à la professionnalisation des initiatives et les difficultés d’accès à l’information.
Reine Essobmadje exhorte les « femmes entrepreneures » à rester fidèles à elles-mêmes tout en étant conscientes des curseurs à activer/gérer pour atteindre leurs objectifs.
Fatou Sarr déplore quant à elle le manque de crédibilité accordé aux femmes lorsqu’elles occupent un poste de dirigeant. « Il y a comme un rapport de force tacite entre les femmes et un monde érigé selon des codes masculins, cela est d’autant plus vrai lorsqu’une femme est confrontée à des apporteurs de capitaux du sexe opposé » indique-t-elle. Il est nécessaire que les femmes soient conscientes de ce déficit de crédibilité. Elles doivent faire preuve de ruse et de combativité pour atteindre leurs objectifs.
En tant que potentiel apporteur de capital, Steve Amara part du principe selon lequel les femmes que le fonds Mwananke accompagne maitrisent les aspects techniques liés à leur activité. La valeur ajoutée de Mwananke réside dans l’encadrement et la professionnalisation qu’il apporte aux projets (ouverture d’un compte en banque, mise en place d’un reporting et d’une comptabilité formelle par exemple).
Même s’il « a été statistiquement prouvé que les femmes sont plus fiables et plus rigoureuses dans la gestion des affaires. » comme le souligne Fatour Sarr, Reine Essobmadje insiste sur le nécessité pour les femmes de développer leur réseau et d’évoluer dans un environnement propice à la création, à la prise d’initiative et à l’émulation.
Il faut être là où les idées émergent, là où les opportunités se créent, là où les liens se nouent.
« Les femmes seraient plus sensibles, plus émotives, plus indulgentes… » Les intervenants se refusent à cette approche simpliste voire caricaturale des choses. Reine Essobmadje emprunte les mots de Peter Drucker, théoricien américain du management » et conclut en disant « il n’y a pas de caractère d’entrepreneur. Mais il faut du caractère pour l’être ».
Comment franchir les barrières qui limitent l’engagement des femmes dans l’entrepreneuriat ?
Chacun des intervenants nous a livré ses suggestions afin d’inciter les femmes à faire le pari de l’entrepreneuriat.
Fatou Sarr appelle les femmes d’Afrique et d’ailleurs à se décomplexer et à OSER. Les facteurs culturels ou les schémas sociaux ne doivent pas freiner leur élan.
Steve Amara préconise plutôt une implication accrue des pouvoirs publics africains en faveur de la promotion des femmes au sein des entreprises. « On pourrait par exemple mettre en place des mesures coercitives afin d’obliger les entreprises à nommer de femmes à des postes à responsabilité.»
Enfin, Reine Essobmadje relève l’importance de la complémentarité entre hommes et femmes dans la réussite de projets d’entrepreneuriat.
Au terme de cette rencontre nous retiendrons que la motivation, le dynamisme et la force de caractère constituent les moteurs de l’aventure entrepreneuriale. Dans le contexte africain, le poids démographique des femmes ainsi que leur contribution à la création de richesse font d’elles un pilier indispensable dans l’élaboration de stratégies de développement économique. Enfin, les femmes ne doivent pas se sentir limitées dans leur capacité à concrétiser leur projet entrepreneurial. Elles doivent, au contraire, croire en leur potentiel et capitaliser sur leurs expériences respectives afin de formaliser et pérenniser leurs projets.
Mélissa ETOKE EYAYE