IDM La bancarisation en Afrique
Idm du 8 mars 2012, ESCP Europe, 19H
La bancarisation en Afrique
Nouvelles implantations, fusions, prises de participation, augmentations de capital, ce que certains appellent "la Grande Bataille des Banques Africaines" bat son plein. Avec un taux de bancarisation de moins de 10% dans certaines régions, les banques africaines miseraient, selon The Africa Report, sur le capital humain, la discipline, la flexibilité et la conformité pour se développer sur le continent. L'hebdomadaire Les Afriques déclare: "La domination des banques françaises est en train de s'estomper. L'arrivée des institutions africaines [...] devrait permettre une redistribution des cartes."
Quel est l’état du marché bancaire en Afrique et quelles sont les principales perspectives ?
Nos invités, Frédéric Le Bourgeois, Directeur Général de FBN Bank au Nigéria, et André Froissant, conseiller financier avec 23 ans d'expérience à la tête d’établissements bancaires en Afrique (Financial Bank-Benin, Financial Bank-Tchad, Bank of Africa-Benin, Crédit LyonnaisCameroun et l’Union des Banques Gabonaises), nous ont présenté leur analyse jeudi 08 mars à ESCP Europe ; Moise Nsabimana, Directeur des partenariats et du développement chez Orange nous a présenté le « Mobile Banking » un produit en plein essor aujourd’hui en Afrique.
De prime abord, il faudrait remarquer que le paysage bancaire est très hétérogène en Afrique : entre les pays anglophones et du Maghreb, d’une part, qui mènent la danse avec 70% des recettes réalisées sur le continent, et d’autre part les pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale, qui cherchent à rattraper leur retard, force est de constater que les réalités du secteur bancaire en Afrique épousent étroitement la situation économique des pays. Le faible taux de bancarisation se situant très souvent entre 4 et 8%, s’explique par des facteurs aussi nombreux que variés, parmi lesquels : les difficultés à respecter des standards bancaires (avoir une adresse du lieu de domicile repérable, états financiers disponibles, …), l’analphabétisme, la prééminence du secteur informel, le manque d’infrastructures (liaison satellite, dispositif sécuritaire, …), les faillites bancaires de la fin des années 80 dans certains pays, etc.
Toutefois, un certain nombre d’acteurs économiques considère cette immense réserve des « non bancarisés » comme une opportunité, car ils parient sur le potentiel humain. En effet, la perspective d’un marché de plusieurs millions d’individus prend le pas sur les difficultés du secteur. Ce mouvement est surtout l’œuvre de banques à capitaux africains (Attijariwafa bank, United Bank for Africa, Ecobank, …) qui ambitionnent désormais de devenir des grands groupes régionaux, mais également des établissements financiers des pays émergents (Chine, Brésil, Liban, …) qui lorgnent déjà le continent. A contrario, certains opérateurs étrangers historiques cèdent du terrain. A titre illustratif, les actionnaires français des banques dans les pays francophones ne représentent aujourd’hui que 20% des prises de participation.
Le boom du marché bancaire se traduit par l’ouverture de guichets mais, selon les intervenants, il est aussi en train de se faire aujourd’hui à travers la dématérialisation des moyens de paiement sur mobile et le développement de la microfinance. « L’Afrique est le laboratoire mondial du Mobile Banking », l’affirme André Froissant. Le pionnier en la matière est M-PESA du Kenya. Cette solution permet de dégager annuellement plus de 92 millions d’euros de commissions. Ce succès est élogieux ! Orange, à travers son produit Orange Money, ambitionne d’étendre le service dans tous les pays où il est présent en Afrique. Les usagers du service pourront ainsi effectuer des règlements auprès des commerçants et payer les factures par transferts électroniques de fonds. Concernant, Les établissements de microcrédit, ils ne représentent que 6% des dépôts bancaires, mais connaissent une croissance rapide : au-delà de 20% par an dans certains pays, en terme de crédits distribués. Leur succès s’explique par le fait qu’ils se veulent service financier de proximité, apparemment plus adapté à la prééminence du secteur informel dans l’économie, que la banque classique.
Au terme de cette conférence : la banque en Afrique, opportunité ? Le mot ne peut être galvaudé pour une industrie bancaire qui cherche encore ses marques mais qui ne manque pas d’intérêt. La concurrence s’exacerbe dans ce secteur où les entreprises à capitaux africains, face aux grandes banques étrangères, manifestent clairement leurs ambitions. Toutefois, les acteurs devront s’interroger sur comment utiliser le levier du Mobile Banking ou de la microfinance sur un marché où le taux de pénétration reste très faible ?
Thierry Nkamgnia et Elsa Nantchouang