Compte rendu IDM 29nov2013

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Beaucoup d’entre vous, notamment les africains d’un certain âge, se souviennent avec nostalgie de l’époque où ils attendaient impatiemment les coups de 18h : c’était enfin l’ouverture des premiers programmes de la télévision publique, rythmée par l’hymne nationale d’une solennité remarquable. Bien des années plus tard, le paysage audiovisuel africain s’est épaissi par la multiplicité d’initiatives aussi bien publiques que privées et par une implication devenue de plus en plus affirmée de la diaspora du continent.
Fort de ce constat, l’African Business Club a jugé légitime de réunir, ce 29 Novembre dernier, un panel de spécialistes du secteur autour du thème : « L’Afrique et les médias, projecteur sur un continent en mutation. »


Les intervenants :
- Françoise Le Guennou-Remarck, Directrice Relations Institutionnelles et Communication chez Canal+ Afrique.
- Alain Foka, Journaliste à Radio France International.
- Constant Nemale, Président Directeur Général d’Africa24.


A partir de leurs expériences et de leur connaissance approfondie du secteur, les intervenants ont tâché de proposer une grille de lecture sur les nouveaux enjeux qui doivent servir de jalons à l’essor de l’Afrique en matière de développement médiatique. Il s’agissait pour cela, de dresser l’état des lieux de traitement de l’Afrique dans les médias pour ensuite décrire avec plus de clarté le portrait robot de cette « Nouvelle Afrique » que l’on vante dans la presse spécialisée en s’interrogeant sur sa représentativité dans les médias.

L’Etat des lieux de l’Afrique dans les médias.
« Les années 50 et 60 ont donné à l’Afrique un nombre prodigieux de penseurs, de poètes et d’écrivains qui ont largement influencé les jeunes intellectuels qui constituent aujourd’hui, l’élite du continent. » Ces mots, sont ceux d’Alain Foka. Le diplômé de Sciences Po Paris aujourd’hui considéré par plusieurs comme « la voix » de l’Afrique dresse dans ce débat un constat amer sur le traitement de l’Afrique dans les médias. En effet, il se rappelle qu’à son arrivée dans le monde du journalisme, l’Afrique n’était illustrée dans les médias que par ses manques. Il va plus loin, « on ne parlait de l’Afrique, qu’en l’associant à sa grande pauvreté, au SIDA ou encore quand une guerre avait éclaté dans une région. » Il y a encore quelques années, les seuls « blacks » dit –il  qu’on voyait dans Paris, étaient soit des étudiants soit « des hommes vêtus des blousons verts qui couraient derrière les camions de la mairie. » Cette critique pour la moins acerbe témoigne de la considération dont l’Afrique faisait face de la part du monde occidental.
La francophonie en serait la cause, en tout cas, dans une tentative d’explication soulevée par Constant Nemale. Pour comprendre sa thèse, revenons brièvement sur son parcours : Baccalauréat en poche, Constant Nemale arrive en France à l’âge de 17 ans. Quittant son Cameroun natal, il débarque à Tours pour y poursuivre des études d’Architecture. Passionné de basketball, il joue pour une équipe de la région et à la fin d’un match remporté par son équipe, il se porte volontaire pour rédiger le compte rendu de la rencontre. Il ne le sait pas à ce moment là mais ces quelques lignes parues dans le journal régional lui ouvriront de fil en aiguille les portes des « States », pays de Michael Jordan et de Karl Malone. De ce rêve américain, Constant Nemale retient un concept : le Black Entertainment TV, une chaine de télévision américaine de grande écoute s’adressant prioritairement au public afro-américain. De retour en France, il constate qu’aucun espace télévisé n’est dédié à l’Afrique sauf sur Canal France International. L’idée que l’Afrique soit donc représentée par une chaine franco-française le séduit peu car il estime « qu’on ne y parle de l’Afrique qu’avec condescendance ».
Alain Foka tempère. Même s’il est conscient du fait « qu’il y a un regard sur l’Afrique qui est toujours emprunt de suspicion et de condescendance », il constate tout de même que depuis les années 99, les choses ont commencé à changer.

Les vecteurs de poids et de représentativité de l’Afrique dans les médias.
Pour rompre avec cet Afro-pessimisme, pire encore cet afro-scepticisme, plusieurs projets ont vu le jour, tous portés par un credo : l’essor de l’Afrique passera inévitablement par l’unité de pensée de la classe cérébrale noire africaine.
Alors qu’il avance doucement vers son cinquantième printemps, Alain Foka cache sous ses lunettes d’innombrables projets. « Nul n'a le droit d'effacer une page de l'histoire d'un peuple, car un peuple sans histoire est un monde sans Ame », une phrase devenue leitmotiv pour les auditeurs de RFI et qui ouvre chacune des émissions d’Archives d’Afrique. Tous ses projets - Medias d’Afrique, Afrique Plus pour ne citer que ceux là -  tirent leur essence dans la volonté de « montrer l’Afrique autrement que par ses manques ». Il semblait donc naturel pour lui prendre part à l’aventure Africa24, qui suscite chez lui une émotion particulière d’autant plus qu’il a à sa gauche ce jour là, le fondateur d’Africa24.
Après, une expérience en demie teinte chez M6 (son émission afro ciblée est déprogrammée après la seconde diffusion), Constant Nemale a l’esprit revanchard. Avec un vieux compagnon de chambrée travaillant chez IBM, il lance une chaine de télévision exclusivement sur internet : c’est la naissance de 3A Telesud. Fort d’un nouveau concept, il se sépare quelques années plus tard de 3A Telesud et il crée Africa24 qui se veut être « la première chaine mondiale d’information sur l’Afrique ». La holding AfriMedia (qui gère Africa24) a ouvert son capital exclusivement à des investisseurs africains.
Francoise Le Gennou, résolument l’une des chevilles ouvrières à l’édifice de cette Nouvelle Afrique, parle d’un développement des médias sur le vieux continent qui prend forme jour après jour, notamment chez Canal + Afrique. En effet, la toute première chaine cryptée en France, poursuit son expansion en Afrique en optant pour 2 déclinaisons – Centre et Ouest – avec des programmes adaptés aux horaires de chaque région pour que les téléspectateurs puissent profiter pleinement et de façon simultanée des mêmes contenus. Canal + Afrique veut donc apporter une vision particulière dédiée à l’Afrique, vision de plus en plus plébiscitée puisque « le groupe enregistre une croissance – en terme de portefeuille-chaines – multipliée par 4 ». De cette ambition est né le programme + d’Afrique (présenté par Robert Brazza) qui a but de montrer une Afrique qui gagne, une Afrique positive, au travers de reportages, non pas pour nier les réalités inhérentes au contexte africain mais mettre en avant les talents, les potentiels.

Que retenir au terme de cette rencontre ?
Si l’Afrique s’est longtemps illustrée dans les médias par la grande pauvreté de ses populations, ses guerres civiles et ses problèmes politiques à répétition, les africains sont résolus à l’idée de faire bouger les lignes et éclaircir les zones d’ombre qui ont entouré pendant bien trop longtemps l’image de l’Afrique, afin que celle-ci entre définitivement dans les consciences collectives comme un continent vecteur d’espoir et avant tout incubateur de talents. C’est ce message qu’ont voulu transmettre nos intervenants, en ce soir de 29 Novembre 2012, que l’on pourrait résumer dans la phrase de Césaire: « L’homme de culture doit être un inventeur d’âmes ». Alors forgez-vous des âmes d’afro entrepreneurs !


Lionel TAMBEKOU