Réflexion
Diaspora Nouvelle Génération en quête d’identité…
Les rapports entre l’Afrique et sa diaspora sont fortement marqués par la définition d’une conscience diasporique que je qualifierais de « nouvelle génération ».
J’entends par « nouvelle génération », un ensemble d’étudiants, de jeunes diplômés et de JCD (1) africains qui cherchent à unifier leur diversité, leurs compétences et surtout leur envie de « faire quelque chose » pour leur pays, pour leur continent. Cette prise de conscience qui se traduit par la détermination d’un rôle actif de la diaspora, plus spécifiquement de la « diaspora nouvelle génération », et qui vise à canaliser un attachement émotionnel parfois source de déchirements intérieurs afin de mettre cette énergie au service d’actions concrètes.
Il convient donc de déterminer le rôle que peut et doit jouer la diaspora dans le développement du continent. La diaspora « nouvelle génération » africaine doit-elle s’engager pour son continent ? Ma réponse est simple : OUI.
A la question de l’engagement succède celle du mode d’action : comment agir ? L’Afrique a récemment franchi le cap du milliard d’habitants, et d’après l’ONU, près de 44% de la population africaine à moins de 15 ans. Partant de ce constat, il apparait crucial de promouvoir l’éducation, source de valorisation du capital humain sur le continent.
L’initiative privée et ses répercussions à l’échelle économique et financière constituent le deuxième levier d’action de la diaspora. En effet, l’initiative privée apparaît comme un moteur de croissance et un vecteur de développement social par la création puis la distribution de richesses, mécanismes qui concourent à la réduction des inégalités et à la lutte contre la pauvreté. Au sein de la diaspora, l’initiative privée se traduit généralement par la création d’entreprises, l’envoi régulier des fonds vers le continent au titre de la solidarité familiale et d’autres formes de solidarité telles que le financement de structures scolaires ou médicales. La diaspora « nouvelle génération » ajoute une troisième dimension à ce programme, que nous appellerons « identification-démystification ».
En effet, le choix de l’engagement actif transforme, presque à leur insu, les membres actifs de la diaspora en « mini-VRP » du continent. La diaspora nouvelle génération s’inspire de « ses ainés qui font bouger les choses » en réfléchissant, en communiquant, en se fédérant, voire même en choquant, à l’exemple de Dambisa Moyo dont l’ouvrage « L’Aide Fatale » propose une réflexion sur comment trouver « une solution durable aux maux de l’Afrique » autre que l’aide internationale qui enferme le continent dans le cercle vicieux de l’assistanat et de la mendicité. Active, la diaspora nouvelle génération, contribue, dans la mesure du possible à atténuer le prisme réducteur par lequel on présente malheureusement trop souvent l’Afrique, à savoir celui d’un continent sous perfusion à base d’aides et de plans d’ajustements en tout genre, rongé par la pauvreté, les conflits et une démocratie aux relents de dictature. Partant du constat que ces représentants se font de plus en plus nombreux, la « diaspora nouvelle génération » s’organise le plus souvent en Associations et clubs de réflexion, aussi bien scolaires que professionnels.
Sans nier la réalité du continent et en faisant le choix de s’engager sur la voie du chemin qu’il reste à parcourir, les représentants actifs de la diaspora, par leur parcours et leurs accomplissements contribuent à promouvoir l’image d’une « autre Afrique » : une Afrique mobilisée qui s’organise, une Afrique déterminée à prendre son destin en main et à développer un modèle économique viable, un continent riche d’Hommes et de Cultures, une terre d’opportunités ignorées, peu ou pas explorées à ce jour. Par effet d’entraînement, la nouvelle génération s’identifie à des « modèles » tous azimuts tels que Dambisa Moyo, les frères Nkontchou ou encore Acha Leke pour ne citer qu’eux.
L’émanation d’une « conscience diasporique » forte caractérise aujourd’hui plus que jamais les rapports entre la diaspora et l’Afrique. Cette conscience prend des formes multiples telles que les flux de capitaux envoyés par les immigrés dans leurs pays d’origine (ces derniers représentent par exemple 19% du PIB sénégalais). Cette observation est d’autant plus vraie en ce qui concerne la diaspora nouvelle génération. Cette conscience nait d’un mélange subtil de douleur-amour pour le continent, relation conflictuelle inlassablement exacerbée par la distance entre terre natale et pays d’accueil, désir et frustration. Loin d’être nihiliste ou masochiste, cet écartèlement contribue au déploiement constant d’une psyché diasporique qui fait sens de sa présence à travers l’action et les valeurs morales qui lui sont associées. La diaspora trouve sa cohérence dans sa capacité à transformer une esthétique existentielle « antinomique à risque consumant » en moteur de progrès aussi bien pour l’individu que pour la collectivité (le donateur et le bénéficiaire). L’engagement et l’action concrètent réconcilient les dimensions émotionnelle et réelle des défis auxquels sont confrontés l’Afrique et les Africains. La diaspora nouvelle génération est consciente du rôle grandissant qu’elle peut et / doit jouer dans la configuration du futur de l’Afrique. En acceptant de jouer son rôle, la diaspora acquiert une téléologie existentielle.
Pour conclure, la nouvelle génération doit trouver les modalités et cadres propices à l’éveil d’une « conscience diasporique » qui traduit la décision des protagonistes d’unir leur pluralité identitaire et culturelle, « non pas dans l’indifférenciation, mais dans la reconnaissance d’une matrice commune » (Léonora Miano in " « Les Aubes écarlates »") , démarche qui passe par l’introspection et se traduit par l’avènement d’une conscience de soi-même et des autres mise au service d’un but commun : s’engager et contribuer à la définition d’une Afrique à venir/Avenir.
Mélissa Etoke Eyaye
(1) JCD : Jeunes Cadres Dynamiques